Rencontre avec Humberto Herrera

Dans un monde où le vin raconte des histoires de terroirs, de traditions et de rencontres, Humberto Herrera, ingénieur industriel mexicain, a tracé un chemin singulier vers l’univers des grands vins. Avec une curiosité insatiable et une passion née au contact d’une grande bouteille de Chardonnay du Domaine de la Bongran, il a transformé sa quête personnelle en une exploration profonde du vin comme un art de vivre et comme une émotion à vivre avec les personnes qu’il apprécie.

C’est avec l’équipe de Vignobles et Châteaux qu’il partage son expérience, ses découvertes et ses réflexions sur ce qui distingue un grand vin d’un autre, l’importance de s’entourer des bonnes personnes et du plaisir de savourer chaque bouteille comme un moment suspendu dans le temps. Cette conversation sensible et inspirante nous invite à redécouvrir l’essence du vin : un vecteur de lien, de mémoire et de plaisir.

RE – CONNECTION

 

Peux-tu nous parler de ton parcours dans le monde du vin ?

Je suis ingénieur industriel, né au Mexique. Dès mon plus jeune âge, j’ai été complètement captivé par la haute cuisine, une passion profondément enracinée dans la culture de ma famille. Avec le temps, j’ai développé un intérêt pour le vin, mais au Mexique, il est très difficile de trouver un véritable guide pour découvrir les grands vins. Bien qu’il existe de nombreux cours, sommeliers et enseignants, peu comprennent vraiment ce qui rend un vin exceptionnel.

En 2020, j’ai assisté à un dîner organisé au Mexique par Mauro Colagreco, le chef du Mirazur à Menton. Il avait apporté plusieurs bouteilles dans sa valise. À l’époque, je ne buvais que des vins rouges espagnols et je ne m’aventurais jamais vers les vins blancs. Puis, j’ai goûté ce Chardonnay de Bourgogne : un Viré-Clessé du Domaine de la Bongran. Ça a été une révélation, comme passer d’une télévision en noir et blanc à la couleur. Cette nuit-là, j’ai décidé de plonger dans l’univers des grands vins.

Comment as-tu appris ?

J’ai cherché un mentor et j’ai rencontré Maxime Picq (de l’équipe de Vignobles et Châteaux) lors d’un dîner avec Rajat Parr. Il m’a expliqué ce qu’il faisait, et je lui ai demandé par où commencer. Il m’a suggéré de déterminer un budget pour m’expédier une sélection sur mesure. Il y avait des vins de Bordeaux, des Bourgognes, des Champagnes – des millésimes jeunes et anciens. Avec chaque bouteille, il avait ajouté des notes pour me guider. Ce fut ma première dégustation.

Grâce à cette expérience, j’ai appris une leçon essentielle : le prix n’est pas la clé pour choisir des bouteilles – l’éducation et les relations sont bien plus importantes. Cela dit, Vignobles et Châteaux propose aussi des prix très compétitifs. C’est grâce à Maxime que j’ai fait ta connaissance, Marie, et qui m’a ouvert les chemins de la Bourgogne avec toute sa complexité et sa magie. 

Quelle a été la plus grande difficulté dans ton parcours ?

Je me suis rendu compte que je ne voulais pas simplement m’intéresser au vin, mais comprendre les grands vins. Le défi réside dans l’immensité des régions, des producteurs et des styles – il est impossible de tout goûter. L’un de mes principes est que « l’art d’apprendre, c’est aussi apprendre à ignorer ». Tout comme il est important d’identifier ce que tu aimes, il est tout aussi essentiel de reconnaître ce qui ne te procure ni plaisir ni joie. À mon avis – et cela pourrait être controversé – la majorité des vins produits dans le monde ne sont pas vraiment de grands vins.

 

Qu’est-ce qui définit un "grand vin" pour toi ?

Un grand vin résulte de l’harmonie entre plusieurs éléments. Tout d’abord, et c’est évident, il faut une adéquation entre le cépage et le terroir. Par exemple, planter un clone de Nebbiolo de Valtellina au Mexique donne un vin presque imbuvable. Ensuite, il faut un vigneron qui se soucie réellement de son produit. Et pour finir, selon mes goûts personnels, je préfère les vins légers, peu alcoolisés, très secs et élégants.

Maxime m’a envoyé des bouteilles de Bordeaux pour que je puisse comparer les styles côte à côte. Cela m’a permis de comprendre l’importance du millésime et pourquoi les vieux millésimes sont souvent plus accessibles que les jeunes. Pour les experts, cela peut paraître évident, mais pour un débutant, cette éducation palpable est inestimable.

Le véritable défi a été d’identifier ce que j’aimais vraiment. Maxime ne m’a jamais imposé de préférences ou orienté vers un style spécifique. Au contraire, il m’a proposé une sélection sur mesure qui m’a permis d’explorer et de me faire ma propre opinion. C’était comme goûter tous les parfums chez un glacier pour découvrir celui que tu préfères.

Le défi réside dans l’immensité des régions, des producteurs et des styles – il est impossible de tout goûter. L’un de mes principes est que : l’art d’apprendre, c’est aussi apprendre à ignorer.

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Comment tes voyages à Saint-Émilion et ton temps avec l’équipe de Vignobles et Châteaux ont-ils façonné ton expérience ?

Pour moi, apprendre doit être interactif et agréable – rester assis dans une salle de classe ou lire un livre sur le vin, ce n’est pas fait pour moi. Visiter des vignobles, marcher dans les terroirs et poser des milliers de questions, c’est le paradis.

Ces voyages ont été initiatiques. Environ 60 à 70 % de mes préférences gustatives se sont développées grâce à eux. Voyager en France m’a appris que le vin fait partie intégrante de la culture. Cela m’a aussi permis de mieux comprendre comment la cuisine locale sublime le vin. Rencontrer les personnes qui créent ces vins a été tout aussi marquant.

Quelle leçon essentielle as-tu tirée de ces voyages ?

Ça peut sembler simple, mais le vin est fondamentalement un produit agricole, créé par des paysans – pas seulement par des hommes d’affaires, bien que parfois ils soient les deux. Cette prise de conscience était loin de l’image que j’avais, influencée par les marques industrielles au Mexique et aux États-Unis.

 

J’ai aussi appris à ne pas négliger la production de volume. Par exemple, Dom Pérignon est un vin fantastique malgré sa production à grande échelle. Probablement, ma leçon la plus importante a eu lieu lors d’une visite chez Salon en Champagne, où l’on m’a tendu un morceau de craie dans le vignoble et m’a demandé de le lécher avant de déguster le Champagne. A ce moment, j’ai compris cette connexion et comment le terroir se traduit dans le vin.

Qu’est-ce qui rend un domaine viticole exceptionnel, selon toi ?

Bien sûr, le terroir est important, mais l’hospitalité et l’expérience client sont fondamentales. Ces dernières années, la France a fait de grands progrès dans ce domaine. Par exemple, à Napa, les visiteurs sont traités comme des rois. Associer un grand vin à une expérience exceptionnelle laisse une impression durable.

Je crois fermement que nous ne sommes pas des êtres rationnels, mais émotionnels, et c’est pour cela que l’hospitalité est cruciale.

Je n’oublierai jamais notre déjeuner au Château d’Yquem avec Pierre Lurton. Il nous a accueillis tel un grand maître, nous servant des millésimes spéciaux accompagnés d’une cuisine incroyable, tout en étant pleinement présent avec nous. C’était inoubliable. Après cela, Yquem s’est gravé dans ma mémoire à jamais.

Comme l’a si bien dit Ludovic, un sommelier français au Mexique : « Une table avec du vin, c’est le vrai réseau social. »

Quel est ton souvenir le plus précieux lié au vin ?

Tout a commencé avec toi, Marie. Lors de notre dernier déjeuner en Bourgogne à La Dilettante, tu m’as recommandé le livre Wine and War. En le lisant, j’ai découvert l’histoire des bouteilles de Champagne Salon emportées du Nid d’Aigle pendant la libération. Plus tard, j’ai visité Salon, où j’ai vu les deux dernières bouteilles du millésime 1939 mentionnées dans le livre.

En tant que passionné d’histoire, c’était un moment profond. De plus, nous avons été les premiers invités mexicains à visiter Salon. Ils n’avaient pas de drapeau du pays, alors ils ont envoyé quelqu’un à Paris pour en acheter un. Ce geste a rendu l’expérience encore plus spéciale.

Qu’as-tu appris sur les vieux millésimes ?

Maxime m’a beaucoup appris sur ce sujet. Au début, j’ai goûté un Château Saint-Georges 1948 – l’année de naissance de mon père. J’ai appris à apprécier comment les vieux millésimes révèlent des arômes uniques et créent des expériences partagées mémorables.

Un moment marquant a été lorsque Maxime a trouvé une bouteille de 1972 pour l’anniversaire d’un ami. La déguster ensemble a transformé l’histoire et l’émotion en quelque chose de magique.

Quelle serait ta bouteille de rêve ?

Une bouteille mystique et historique de Salon – peut-être le millésime 1939. Ce serait comme goûter un morceau d’histoire.

Quelles sont tes attentes pour l’industrie du vin aujourd’hui ?

L’industrie doit rendre l’éducation sur le vin plus accessible et plus enthousiasmante. Pavarotti a rendu l’opéra abordable pour des gens qui ne pensaient jamais l’apprécier – le vin a besoin de quelque chose de similaire.

Des événements interactifs et amusants, comme ceux organisés par Wine Spectator ou Wine Advocate, pourraient servir d’inspiration. Si, au début, j’avais pu trouver des déjeuners dans de bons restaurants où j’aurais pu apprendre de manière engageante sur Bordeaux, Sauternes et les millésimes, j’aurais progressé beaucoup plus vite et évité de gaspiller de l’argent dans des vins médiocres.

Comment le vin influence-t-il ta vie quotidienne ?

Le vin a complètement transformé ma vie. Neuf voyages sur dix que je fais aujourd’hui sont liés au vin. Les restaurants où je vais doivent avoir une belle verrerie, de belles cartes des vins ou permettre le droit de bouchon pour que je puisse apporter mes propres bouteilles.

Dans mon travail, j’organise régulièrement des déjeuners avec un chef privé, Miguel Sánchez Navarro. Nous associons des vins aux plats et nous les expliquons. Le vin est devenu ma façon de remercier mes clients : tout tourne autour de la connexion.

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui commence son parcours dans le vin ?

Trouve un mentor et goûte, goûte, goûte. Essaie les vins qu’il te recommande et explore largement. Maxime m’a dit un jour quelque chose qui m’a marqué : « Le meilleur vin est celui que tu aimes, à partir du moment où tu as déjà dégusté de nombreux grands vins et divers producteurs. » Tu as besoin de points de référence, comme Picasso, Rembrandt ou Matisse en art, pour comprendre tes préférences.

Quel serait alors ton “Picasso” dans le vin ?

Le Bourgogne blanc ou le Champagne. Mais en tant que Maître de la Commanderie de Bordeaux au Mexique, je devrais équilibrer les choses et ajouter le Château d’Yquem.

 

 

Thank you Humberto for sharing with us your experience.

Photos et propos recueillis par Marie-Pierre Dardouillet, Cépages communication pour Vignobles et Châteaux

 

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