Rencontre avec Benoit Riffault

Etienne Sauzet - Puligny-Montrachet

Si les vins de Bourgogne sont de plus en plus difficiles à trouver, il y a des vignerons au contraire très accessibles. Emilie et Benoit Riffault font partis de cette génération qui garde les pieds sur terre – pour ne pas dire dans les rangs de vigne – qui veille à préserver l’âme vigneronne de la Bourgogne et qui signe des vins de terroirs humbles, précis et à la hauteur des terroirs qu’ils ont hérités. Ils incarnent la sensibilité humaine qui se trame derrière chaque étiquette que nous avons plaisir à promouvoir chez Vignobles et Châteaux. 

Benoit riffault nous reçoit pour cet échange au pied des vignes dans la maison familiale du domaine Etienne Sauzet qui se trouve au cœur du village de Puligny-Montrachet. 

La cuverie et les caves sont l’œuvre d’un subtil ajustement de pièces où les murs et les plafonds ont été poussés au cours des années pour laisser toute la place au travail du chardonnay. 

Puis, nous arrivons dans la salle de dégustation dans un bâtiment récemment rénové avec une vue directe sur la colline de Montrachet … rien que ça ! Ce lieu offre un cadre privilégié d’inspiration et de connexion avec les Climats de Bourgogne. les échantillons du millésime 2022 sont alignés, le micro en place et c’est au fil de la dégustation de cette gamme de terroirs tout en nuance de chardonnay que Benoît répond à nos questions.

Dans quel contexte avez-vous rejoint avec Emilie le domaine familial ?

Je suis arrivé en 2002, soit deux ans après Emilie. Le domaine était déjà établi et reconnu avec un style de vin en place. Il nous fallait nous imprégner de l’ambiance locale et, personnellement j’avais à découvrir le chardonnay car j’arrivais de la Loire avec un passage en Alsace. La famille d’Emilie m’a fait une place dans l’équipe. Étant vigneron, j’avais besoin de démarrer par la vigne.

Est-ce que le domaine a changé depuis les années 2000 ?

Le foncier a un peu évolué. Aujourd’hui, il est de 14,5 hectares complétés de quelques achats de raisins à Puligny et dans les Hautes-Côtes du côté de Nolay. Pour le reste tout a été graduel, nous sommes le prolongement du passé. 2009 marque toutefois un tournant, celui de la biodynamie avec la certification en 2013. Nous travaillons toutes nos cuvées dans la même philosophie. Nous utilisons des foudres pour les raisins des Hautes Côtes et le fût traditionnel de 228 ou 350 litres pour les vins du domaine Sauzet. 

 

Pourquoi avoir choisi les Hautes Côtes de Beaune près de Nolay pour faire une échappée?

Nous cherchions un pôle annexe avec une identité terroir et celle-ci nous a plu. La plupart des terroirs des appellations Bourgogne se trouvent dans la plaine, sur des sols profonds argileux qui produisent de beaux raisins. En revanche, dans les Hautes-Côtes, nous pouvons trouver plus de fraîcheur avec des zones accidentées et différentes des argilo-calcaires de la Côte, une identité terroir plus forte.

Comment définis-tu les vins du Domaine Sauzet?

J’aimerais que dans l’esprit des gens, les vins du domaine Sauzet soient associés à la pureté et à l’identité de terroirs. Je préfère qu’il y ait un style “terroir” plutôt que celui d’un “vigneron”.

Quelle est ton approche de vigneron pour préserver ce style terroir ?

Mon approche est remise en question à chaque millésime avec un objectif : récolter les meilleurs raisins. Nos équilibres (chiffrés et gustatifs) sont plus identitaires qu’auparavant et cela entre complètement dans la case terroir. Un constat qui est satisfaisant car je considère que lorsque nous avons de beaux raisins dans la cuve, 90% du travail est fait. Il faut juste savoir être sage ensuite. 

En cave, nous accompagnons, contrôlons mais intervenons le moins possible. Si à la vigne, nous allons loin dans l’approche “nature”, autant en cave, je tiens à sécuriser le processus pour obtenir la pureté souhaitée. 

Quels sont les marqueurs terroir en Bourgogne?

La Bourgogne est sur une assise argilo-calcaire. Nous faisons souvent référence à la minéralité, ou encore ce côté salivant, iodé pour évoquer la roche-mère calcaire. Puis, il y a l’argile qui est tout aussi importante que le calcaire. Les argiles de Nuits-Saint-Georges sont différentes de celles de Volnay. Pour les vins blancs, nous avons les mêmes subtilités selon les argiles profondes, plus légères ou chargées en fer. Cette construction de sol aura un impact en surface sur la gestion de l’eau, la remontée de potasse par exemple. Il faut donc bien considérer la roche mère calcaire en sous-sol et le sol avec sa construction plus ou moins profonde d’argile.

Comment ces subtilités de terroir se traduisent-elles dans vos différents climats au domaine?

Dans les Grands Crus du domaine, Bâtard Montrachet Grand Cru situé dans les bas de coteau est à l’extrême opposé de Chevalier Montrachet en haut de coteau. Ce dernier représente l’extrême finesse, la minéralité, l’élégance associée à la distinction et la force d’un grand cru. A l’inverse, Bâtard Montrachet Grand Cru se trouve sur des sols beaucoup plus profonds et argileux. Nous avons une sorte de muscle compact avec une structure massive et énergique avec de belles acidités. 

 

Parmi nos premiers crus, nous pourrions imaginer une diagonale avec Puligny-Montrachet 1er Cru Folatières ou la Richarde proche de Chevalier-Montrachet. Ici, le profil est crayeux, élégant, précis; des caractéristiques que l’on peut d’ailleurs retrouver sur des champagnes de Cramant. Et à l’opposé de cette diagonale en direction de Meursault, nous avons la parcelle Puligny-Montrachet 1er Cru Les Referts qui elle, se situe en pied de coteau sur des argiles profondes, peu faciles à travailler. Ici, les vins sont centrés sur la matière, massifs avec une colonne vertébrale très fraîche. 

De quel œil vois-tu l'envolée des prix en Bourgogne?

Il est forcé de constater que cette situation résulte de la convergence des petites récoltes à une forte demande internationale. Le gel du millésime 2021, qui a touché à plus de 80% la région, a été un accélérateur. Si la Bourgogne a surfé sur une vague démentielle, nous savons tous que cette situation n’est pas tenable. Au domaine, nous veillons à ce que nos vins soient bus et c’est pourquoi nous continuons de travailler avec calme avec nos clients privés, restaurants et importateurs historiques. Nous choisissons nos partenaires, tels que Vignobles et Châteaux, qui partagent notre philosophie.

Comment aimes-tu parler de tes vins ?

Un grand vin de Bourgogne doit avoir une certaine structure, pureté et identité. C’est ce que je recherche en tout cas. J’aime en parler par le biais de l’identité de lieu et ensuite, chaque vin doit être construit différemment parce qu’il est né de façon unique et ce à chaque millésime.

Quelle est la décision la plus délicate que tu aies eu à prendre dans ta carrière ?

La période des vendanges est intense en prises de décisions. Il faut être dans l’immédiateté avec de nombreux facteurs à prendre en compte. Je dois avouer que ce moment est celui qui me plait le plus dans mon métier. La dégustation des baies, sentir le potentiel de la récolte… c’est tout un ensemble !

As-tu été tenté de vinifier également des vins rouges ?

Depuis trois millésimes, je m’amuse avec quelques cuvées confidentielles de pinot noir. Cela me permet de sortir de ma routine et d’être curieux. C’est encore dans les petits papiers mais je me suis aussi arrêté dans le Jura à Château-Chalon.

En tant que vigneron bourguignon, aller chercher l’identité du lieu est d’autant plus vrai. Cette mosaïque de crus et de villages impose cette rigueur et confère toute la richesse aux vins de Bourgogne.

Benoit Riffault

Comment s’organise la vie au domaine ?

Le domaine repose sur une équipe de dix personnes à l’année et avec Emilie nous travaillons en tandem. Elle s’occupe de la partie commerciale et administrative, je m’occupe des équipes en vigne et en cave. On s’organise de la sorte pour être efficace mais par exemple, pendant les vendanges elle est en cave avec moi.

As-tu des mentors ?

Mon beau-père m’a beaucoup guidé et pour n’en citer qu’un, Pierre Morey (quand il était au Domaine Leflaive). Il m’a inspiré et permis d’accéder à la biodynamie plus rapidement. Avec Jean-Louis Trapet, j’ai une sorte de filiation naturelle, un attachement, une sorte de bienveillance avec tout Olivier Humbrecht chez qui j’ai travaillé en Alsace en 1998.

Quels sont les vins de Bordeaux que tu apprécies ?

Saint-Émilion et Pomerol m’attirent davantage que le Médoc même s’il y a des exceptions. J’aime la finesse et d’ailleurs, je préfère les vins de Bordeaux d’aujourd’hui à ceux d’il y a 20 ans; ils sont moins extraits.

Portrait

Film : je suis assez bon public mais je choisirais un film de Céric Klapisch

Musique : Coldplay

Livre : je lis le journal l’Équipe tous les jours 

Millésime : 2019. C’est un millésime que nous avons choisi d’attendre avant de le récolter et je suis content de cette décision car il est puissant et concentré. Il a une forte personnalité et une belle construction pour la garde.

Plat : j’aime cuisiner le poisson et sinon, un poulet.

Bouteille mémorable : ce n’était pas gagné d’avance et je n’aurais pas choisi cette bouteille d’instinct mais Château Rayas blanc 1998. Splendide ! 

Dimanche parfait : un peu de sport le matin suivi d’un repas de famille ou entre amis

Les vins liés à l'article :

Photos et propos recueillis par Marie-Pierre Dardouillet, Cépages communication pour Vignobles et Châteaux

 

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